
Poussières de dune
« C’était l’heure élue, l’heure merveilleuse au pays d’Afrique, quand le grand soleil de feu va disparaître enfin, laissant reposer la terre dans l’ombre bleue de la nuit.»
(Isabelle Eberhardt)
C’était aussi l’heure où, dans la splendeur de la nuit, les étourneaux venaient se nicher dans le figuier pour lui raconter des histoires magnifiques ou pathétiques ; celle du Sadiki, du Petit fennec, de La rose des sables, du Targui et ‘ de toutes les Poussières de dune qu’ils avaient survolées.
M. De Rodrigue
Lire un extrait de "Les pélerins"...
Dans le ciel, un nuage gris s’avançait.
Pressé d’abandonner l’azur pour déverser toute la misère sur la terre, il se dépêchait.
Puis, c’était un vrombissement qui tel celui d’une assourdissante et inquiétante escadrille, enflait au fur et à mesure qu’il approchait.
Soudain, une seule et même clameur explosait dans tout le quartier et le voisinage !
— Ils arrivent ; ça va être le carnage ! »
Parachutés du ciel, comme des obus, ils fondaient sur nous, pour atterrir comme des fous sur la moindre parcelle. Tels de furieux mercenaires, ils se déployaient dans les potagers, les vergers, les champs cultivés sans oublier de profaner les cimetières pour y semer désolation et terreur……….
© M. De Rodrigue
Lire un extrait de "Sadiki"...
Il s’appelait Sid Moulaye !
Bien que ses tempes argentées trahissaient une bonne quarantaine d’années, il disait ignorer son âge puisqu’il ne savait pas l’année de sa naissance. Mais il affirmait avec assurance être certain d’avoir vu le jour quand les figues de barbarie mûrissaient en abondance.
Alors, j’en déduisais que c’était au mois de Juillet.
Son large front strié de quelques sillons, ses hautes pommettes, l’arête de son nez à la courbe parfaite, sa bouche veloutée et son menton carré étaient brunis par les heures à travailler sous le soleil ardent ou le chergui étouffant. Mais, comme par enchantement, tout son beau visage était illuminé par un regard fier où se mirait le vert d’une émeraude que, probablement, lui avait léguée sa descendance berbère.
Quand il se couronnait du chèche torsadé, « Seigneur des regs » je l’imaginais.
Mais plus d’une fois, je fus déçue de le voir revêtu d’un pantalon et d’un tee-shirt ordinaire ou d’un costume que lui avait donné mon père. Et … non paré de la djellaba traditionnelle ou de l’ample sarouel. Néanmoins, même habillé à l’occidental, cet homme charismatique et jovial n’était que prestance. Sa stature en imposait par son l’élégance tout comme son port de tête qui, altier, plagiait celui des nés de noble naissance.
Mais, quand je voyais la paume de ses mains rudoyée par le manche de la truelle ou de la pelle, quand j’apercevais ses ongles de blanc ou de gris par un reste de plâtre ou de ciment colorés, tous mes enfantins mirages princiers, au loin, dans les sables, disparaissaient.
Lorsqu’il venait à la maison sur sa mobylette bleue, il paraissait heureux. Pour le certifier son rire sonore et saccadé mêlé aux pétarades de sa monture mécanisée éclaboussait joyeusement et bruyamment les lieux telle la cascade d’un tonitruant torrent.
Friand de figues, il passait en fin de semaine pour en ramasser. Sur l’arbre généreux, il grimpait comme un écureuil gracieux tandis que ma mère épouvantée priait Dieu pour de la chute le préserver… sous le sourire de mon père qui, de son ami, connaissait l’agilité hors pair.
Souvent, devant un verre de thé et les zalabias qu’il avait apportées, Sid Moulaye le maçon qui, avec mon père, construisait des maisons, des gares et même des églises et des mosquées, racontait. Pour nous, il ouvrait le livre historique de son pays mirifique. Alors avec émotion et maintes explications, il nous dévoilait son passé tantôt tumultueux, tantôt glorieux ou tragique et dramatique.
En l’écoutant parler, mon cœur de petite fille romantique se mettait à palpiter et mon imagination à s’emballer.
Un jour, la mine attristée, il nous confia ce qui le contrariait :
— Mes parents vivent sur la colline voisine avec la famille de mon frère Yassine. Comme leurs voisins, ils ne sont que d’humbles paysans qui, à la tâche, s’échinent par tous les temps.
En bas…
© M. De Rodrigue
Les avis des lecteurs
Poussières de dune.
C’est un TRESOR !!
Un trésor ne s’explique pas, il se savoure.
Merci pour ces succulents instants ….
Toute l’âme de l’Auteur est dans ce livre. Son cœur est resté là-bas en Afrique. Et les souvenirs défilent, emprunts d’une grande mélancolie…
En lisant les textes de cette auteure, je suis toujours saisie par autant de beauté pure. Les mots s’assemblent, les phrases s’écoulent, l’ensemble me fait penser à une symphonie… Et l’auteur sait drôlement bien l’orchestrer… On aime et on en redemande.
L’auteur nous invite à la suivre à la découverte d’une Afrique que, personnellement, je ne connais pas du tout. Elle y passe son enfance et partage avec nous ses souvenirs, à travers de courtes histoires. Fleur de Lune m’a fait sourire. Le petit Fennec est d’une tristesse infinie, touchante de réalité. Chacune de ces histoires racontent une partie de cette enfance. L’auteur n’aimait pas cette Afrique, elle ETAIT l’Afrique, elle en était imprégnée et on comprend d’autant mieux son désarroi et son grand chagrin quand elle devra la quitter… La petite gazelle allait laisser son coeur, là-bas, en Afrique, et on comprend sa peine.
Une très jolie histoire, à lire, à déguster, à sentir, à écouter.
Merci à toi, belle Ombre.
Je ne suis pas très douée pour rédiger de belles chroniques, mais ces qqs mots sont de moindres compliments pour rendre hommage à ta belle plume. Tu es une auteure à part, cette œuvre le confirme !
Ai lu des extraits. Je confirme l’excellence de l’écriture pour avoir lu une précédente nouvelle.
Ce livre est un vrai trésor. Je l’ai lu deux fois tant il est beau…
Voici une oeuvre magnifique ! Des souvenirs d’enfance aux parfums d’orient racontés avec une sensibilité remarquable, d’une façon lyrique et poétique. Un talent à part et une merveilleuse plume à découvrir d’urgence pour ceux qui ne connaissent pas.